Lorsque les deux collègues pénètrent dans l’antre d’Arthur Lepic, la musique saute dans leurs oreilles qui n’en croient pas leurs yeux : sortant de deux grosses enceintes fixées au mur par des chevrons de 24, « La grosse bite à dudule » envahit la pièce et rebondit joyeusement sur tous les murs (quatre en tout).
Installé dans un fauteuil en osier, Arthur Lepic est occupé à sécher ses larmes.
- Mais ! s’exclame l’inspecteur, je connais cette version : c’est le Casino de Knok-le-Zout, 25 février 1992. J’ignorais que ce concert avait fait l’objet d’une édition.
- Pas précisément, précise le serial killer en devenir, c’est un enregistrement effectué par mes soins.
- Quoi ? s’exclame une nouvelle fois Guacamol, vous étiez à ce concert ?
- Je vous jure, inspecteur. Preuve en est : cet enregistrement effectué par mes soins. J’étais à celui-là, et à tous les autres. En tant que président du fan club de Linda Brucknel, à l’échelle mondiale, je me dois d’accomplir ce sacerdoce.
- C’est donc ça, Linda Brucknel, murmure Miléna, songeuse. Mais c’est complètement nul, non ?
A ces mots, Arthur Lepic se lève, puis se rassois aussitôt, en larme.
Guacamol fronce les sourcils en direction de sa secrétaire
- Vous avez des connaissances musicales ? Vous avez fait le conservatoire ? Non ? Alors épargnez-nous vos jugements incultes !
- Je joue un peu de kazoo…
L’inspecteur lève les yeux au ciel, puis se dirige vers la porte d’entrée, les épaules lasses.
Une fois de retour dans la voiture, il interroge la nouvelle recrue : « Alors, comment avez-vous trouvé cet épisode ? En toute franchise, bien sûr ».
La secrétaire fait la moue, elle semble chercher ses mots. Au bout de quelques minutes qui semblent des heures, elle finit par en trouver deux : « A chier ». L’inspecteur, piqué au vif, la somme d’argumenter un peu. Miléna s’exécute de bonne grâce : « Disons que ça commençait plutôt bien, avec cette histoire de serial killer, mais ça a vite tourné au n’importe quoi avec cet enregistrement pirate de Linda Bruckner. Franchement, Inspecteur, tout le monde s’en fout ».
Pour toute réponse, Guacamol rit à gorge déployée : « Ah ah ah ! Miléna, vous êtes merveilleuse ! »
- J’avoue ne pas bien comprendre…
- Vous allez bientôt savoir, pas d’inquiétude. En attendant, embrassez-moi…
- Ca va pas non ?
- Bon alors faites-moi un petit pouic-pouic sur la tête.
- Bon, ça d’accord.
Tandis que la nuit recouvre peu à peu la grande ville de son manteau charbonneux, la 305 file sur le périph comme une balle de magnum 44 en route vers sa cible.